22 févr. 2009

Mon lac des nations

J'ai récemment dit que l'hiver semblait tirer à sa fin. Je me savais déjà trop optimiste, la petite tempête d'aujourd'hui en a été la preuve. Toutefois, j'ai toujours raison pour ce qui est des températures. Les paris sont tenus!

Quoi de mieux qu'une averse de neige pour marcher un petit peu dehors. J'adore la neige pour plusieurs raisons. Je ne parle pas ici de sports d'hiver où les gens vont faire un minimum d'effort et dépenser un maximum en équipement. Ils ne sont pas tous ainsi, c'est vrai, mais il reste quand même que si on regarde les olympiques d'hiver en comparaison avec ceux d'été, on y voit nettement moins de pays pauvres. Remarquez que les pays pauvres sont dans des climats plus chauds aussi, mais s'ils étaient riches, ils pourraient se pratiquer dans les Alpes par exemple. Bref, si j'aime la neige c'est parce que c'est un excellent moment pour marcher. Je peux, comme un chasseur, suivre les traces de pas d'une personne dans la neige et m'imaginer ce qu'elle a fait. Par exemple, ce matin, j'ai pu voir qu'une personne est allée à l'arrêt d'autobus et voyant qu'il n'y en aurait pas d'ici les 3 prochaines heures, elle est retournée chez elle. Une autre personne, elle, est allée déjeuner au restaurant juste à côté de chez elle, mais n'était toujours pas revenue. Bon, je l'avoue, je suis un voyeur de traces de pas, que voulez-vous!

Ce que j'aime le plus de la neige, c'est que vous êtes souvent seul à l'affronter. Les autres personnes préfèrent rester à la maison et profiter de cette journée au chaud (surtout qu'aujourd'hui, la neige était très mouillée, donc peu plaisant en famille). La ville est déserte, quelques autos par-ci par-là, mais pas plus. Seules des empreintes et ces étranges boîtes métalliques peuvent être vues, aucune âme. C'est pour cette raison que normalement je ne critique pas les chemins enneigés, les routes glacées. Ils forcent les sages à rester chez eux pour profiter du temps qu'ils peuvent passer ensemble et permettent aux plus téméraires d'avoir un petit défi, celui de marcher sur un terrain très peu avantageux. Il m'aura fallu malheureusement peu de temps pour réaliser le ridicule de cette idée. On trouve toujours plus fou que soit et comme de fait, en revenant à 23h ce soir, il y avait cet homme qui, lui, avait décidé de braver la neige en vélo. Je lui ai envoyé un salut en hommage à sa détermination (ou sa folie me diront certains). Par contre, en remontant ses traces (une autre preuve de mon voyeurisme de traces), j'ai remarqué qu'il titubait souvent. Les conditions routières ou son état de sobriété? Je ne le saurai sans doute jamais.

J'ai aussi récemment parlé de ma chère ville qui décidait de donner un bon handicap aux piétons et au transport en commun en construisant une nouvelle banlieue (principalement commerciale pour l'instant) à l'autre bout de la ville, dans ce qui était autrefois une forêt. Aujourd'hui j'ai vu à quel point les piétons peuvent être importants à Sherbrooke. Je l'avoue, quand les gens critiquent l'entretien de la ville, je me dis qu'ils font généralement avec ce qu'ils ont et qu'ils essaient de ne pas trop gruger le budget. Résultat: en tempête de neige, on n'enlève pas la neige des trottoirs. C'est normal, on est dimanche et personne ne sort pour marcher. J'ai toutefois été surpris aujourd'hui.

Il neige depuis minimum 5h du matin et à minuit, il neige encore. J'ai passé par le centre-ville, devant le cinéma, quelques restaurants et le dépôt (terminus d'autobus de ville et interurbains). J'aurais pensé que cet endroit était dégagé, mais non. Qu'à cela ne tienne, ils avaient d'autres priorités, c'est normal avec le nombre de pentes dans cette ville, les véhicules doivent mettre du sable et du sel presque partout. J'étais quand même surpris lorsque j'ai réalisé (avec une petite analyse de la disposition, de la texture et de l'épaisseur de la neige) qu'aucun véhicule n'avait passé sur les trottoirs de la rue principale de Sherbrooke de la journée. En fait, ils servaient plutôt de zone pour accueilir la neige évacuée des rues.

Que puis-je faire face à cela? Nos rues sont nos artères. Ce sont elles qui amènent toutes les ressources nécessaires au bon fonctionnement de notre société. En fait, le système routier est très similaire au système sanguin, c'est une voie de communication et d'échange. Au Québec, on a environ 185 000 km de routes pour une superficie de 1 670 000 km². En supposant que le réseau est composé uniquement de route de 8.6 m de largueur (route de campagne 1 voie pour chaque sens), les routes représentent 0.095% de la superficie totale du Québec. Les vaisseaux sanguins, de leur côté, représentent environ 160 000 km (le diamètre est très variant par contre). Ce qui change le plus, c'est au niveau du ratio (je l'exprimerai ici en masse/masse). Un homme compte environ 5 à 6 litres de sang (1 litre de sang =1 kg) pour une moyenne d'environ 80 kg. Donc, environ 7% de la masse totale.

Désolé, je me suis laissé emporté par les mathématiques, mais c'est quand même intéressant si vous vous intéressez soit au corps humain, soit au réseau routier. Bref, les rues sont dégagées, car on les considère comme essentielles. Les trottoirs non. Jusque-là, ça va, je n'ai pas critiqué mon maire, ma province ou le ciel. C'est un peu plus loin qu'il y a eu un blocage. À Sherbrooke, nous avons un parc central (comme le parc Maisonneuve de Montréal, mais appelé le Lac des Nations). Il s'agit d'un grand lac entouré d'une promenade. En marchant devant, qu'ai-je réalisé? La promenade était complètement dégagée. Les gens pouvaient profiter de leur dimanche pour aller marcher au parc en toute quiétude alors que le centre-ville était principalement accessible aux véhicules, plutôt cocasse. Je marche sur environ 1.5 km. dans la neige, à avoir les pieds dans toutes les directions selon la position de la neige poussée sur le trottoir et je me rends compte que le seul endroit accessible aux piétons est la promenade autour du lac. Mes jambes et mon esprit en ont eu assez et j'ai marché dans la rue le reste du temps. Je n'aurai qu'à faire semblant d'être une voiture et on ne se doutera de rien!

Dans Retour vers le futur 3, le "Doc" décide de parler du futur aux cowboys autour de lui. Il dit:
Doc: "Et dans le futur, nous n'avons pas besoin de chevaux. Nous avons des chariots motorisés appelés automobiles."
Old-Timer #3: "Si tous les gens ont une de ces autos quelque chose, est-ce que certains marchent ou courent encore?"
Doc: "Bien sûr que nous courons, mais c'est pour nous divertir, pour le plaisir."
Old-Timer #3: "Courir pour le plaisir? Ils ont une sacrée drôle de façon de rigoler?"
Notez qu'il s'agit ici d'une traduction libre en fonction de mes souvenirs. L'extrait original est ici.

C'est ce que j'ai ressenti aujourd'hui. La priorité n'est pas au déplacement à pied, elle est au déplacement à voiture. Le seul déplacement autorisé quand vous êtes à pied, c'est pour votre loisir. Tant pis pour ceux qui voulaient visiter le centre-ville, ils devront marcher dans la neige pour encourager les petits commerces locaux.


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