La fin de l'hiver est proche. Je suis peut-être un peu trop optimiste diront certains, mais j'y crois malgré tout. Il suffit de regarder les tendances pour voir que les -20°C seront rares dans les prochaines semaines (et que dire des -30). Cet hiver, je n'ai pas fait grand-chose. Ce n'est pas le temps qui m'a manqué, mais plutôt la motivation. Je vois l'hiver comme un repos, le moment où le travail diminue. La raison est que mon grand-père était fermier, l'été, on cultivait, on nettoyait, on réparait et l'hiver on tentait surtout d'éviter les dégâts tout en s'occupant des animaux. Mon père aurait aimé être fermier aussi, mais mon grand-père n'était pas prêt à lui vendre lorsque mon père était dans la vingtaine. Il lui proposa plus tard, mais les circonstances n'étaient plus les mêmes. Mon père avait commencé à enseigner et avait déjà effacé ce rêve, du moins en partie.
Encore aujourd'hui, je sens ce regret chez mon père. Toute sa vie, il a dû travailler pour d'autres personnes pour être heureux. Ne pouvant avoir sa propre terre à bois, il travaillait sous contrat chez plusieurs particuliers afin de les aider, d'avoir un revenu supplémentaire, mais aussi pour son plaisir d'être dans la nature. Non, mon père n'est pas bûcheron, il est sylviculteur. Lorsqu'il va dans un boisé, c'est pour y couper les petits arbres ou encore les arbres malades, laissant les plus grands dominer le terrain. Une seule fois dans ma vie je l'ai vu couper une surface entière, il avait un contrat pour préparer la construction d'une route et il s'en est très vite lassé.
J'ai souvent pu travailler à ses côtés. Tout jeune, il m'avait acheté un ruban à mesurer pour voir combien de "cordes" de bois il avait. Une corde de bois, pour les non-initiés, c'est du bois de 16 pouces de longueur placé sur 4 pieds de haut par 8 pieds de long, du moins c'est le cas général au Québec. Je lui apportais des bûches afin qu'il les fende ou qu'il puisse les "corder". Plus vieux, j'ai arrêté de l'aider, comme mes frères et ma soeur. Nous nous détachions un peu, nous n'avions pas le même plaisir que lui à vivre une journée complète dans une forêt.
Vers la fin de mon école primaire, mes parents ont divorcé. À cette époque, l'envie de mon père d'avoir la terre surgit de nouveau. À cette époque, mon grand-père avait encore des vaches si mes souvenirs sont exacts. Mon père allait l'aider au moins deux fins de semaine par mois et l'été, il l'aidait à préparer et à stocker du foin pour l'hiver. J'avais effacé cette période de ma vie, comme une grande partie de ma jeunesse, mais maintenant je me souviens. Il m'avait demandé si, plus tard, je pourrais être intéressé à m'occuper de la terre. En d'autres termes, il voulait l'avoir, puis me la donner/vendre par la suite. Je n'étais malheureusement pas intéressé à vivre ainsi, à travailler d'arrache-pied sur une ferme qui n'a pas la même technologie que les mégafermes qu'on voit aujourd'hui; je ne le suis toujours pas d'ailleurs. Ce fut sans doute une grande déception pour mon père, puisque j'étais le seul de ses enfants qui semblait avoir un intérêt du même type que le sien.
J'admire mon grand-père pour tout le travail qu'il a fait sur cette terre. Mon père en a fait énormément aussi même si elle ne lui a jamais appartenu. S'il avait pu l'acheter lorsqu'il était jeune, ou s'il avait vu qu'un de ses enfants pouvait être inétessé lorsqu'il était à la fin de la quarantaine, je suis certain qu'il y aurait mis tous les efforts du monde pour avoir un endroit agréable, efficace et respectueux de la nature et des animaux.
Aujourd'hui, les choses sont bien différentes, mon grand-père est très malade et ne peut se déplacer. J'ai entamé une carrière dans le domaine du génie et mon père est trop blessé par le temps pour s'occuper d'une ferme. La terre s'en va à l'abandon depuis quelques années, on ne fait plus les foins, on ne répare plus les bâtiments, on ne creuse plus les digues et il n'y a plus d'animaux. La seule chose que l'on puisse voir ce sont des vaches à viande qu'un locataire vient porter l'été pour qu'elles aient du pâturage et qui repart en automne avec celles-ci. Sinon, on peut y voir des piétons du quartier résidentiel construit juste à côté qui voient cette terre comme un lieu public. Est-ce dérangeant? Oui, on y retrouve souvent leurs détritus, mais surtout, on découvre des clôtures brisées parce qu'ils voulaient faire du VTT ou de la motoneige sur un terrain qui ne leur appartient pas (ils évitent aussi de payer les frais reliés aux clubs de motoneige qui ont des pistes déjà faites, où l'on n'a pas besoin de détruire pour circuler).
Le plus difficile dans cette histoire, c'est au niveau familial. L'explication sera dans le prochain billet. En attendant, je vais profiter du reste de l'hiver. Une période froide et inerte, comme cette fameuse ferme. Quand arrivera le printemps, il me faudra constater les préjudices de l'hiver, espérer voir des bourgeons. En attendant, espérons que tout ne soit pas inondé au réveil.
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