20 févr. 2009

Mon coup de gueule

J'ai dit que le principal problème avec la terre, c'était la famille. Bien sûr, il n'y a pas d'animaux, tous les bâtiments semblent être prêts à lâcher et le terrain est en pleine dégradation, autant pour les chemins que pour la terre défrichable, mais le principal problème est ce fameux oncle. Il a quitté la région très tôt pour entamer de nombreux emplois (GRC, propriétaire d'un restaurant, pilote d'avion, etc.). Depuis que mon grand-père est malade, il a décidé d'aller vivre avec lui et ma grand-mère. Une âme charitable me direz-vous? Certainement pas. Cet homme (de 50 ans je le rappelle) est venu avec ses 2 chiens de 40 kg. Le seul problème, c'est qu'il ne s'en occupe pas. Ma grand-mère, en plus de devoir s'occuper de son mari qui n'est plus autonome, doit sortir les chiens, les nourrir et nettoyer leurs dégâts.

2 chiens, c'est peu de chose, ça ne demande pas beaucoup de soins.
Oui, quand nous sommes jeunes et que nous n'avons à nous occuper que de nous, c'est vrai. Mais attendez la suite. Cet oncle ne peut pas s'occuper de lui-même non plus. Se levant vers 10h chaque matin, il demande à sa mère de lui préparer le déjeuner, le diner et le souper. Pour la vaisselle, je vous laisse deviner qui s'en charge seule. Est-ce qu'il s'occupe de mon grand-père? Est-ce qu'il l'aide à se laver, à manger, à quoi que ce soit? Non, non et non. Au sens propre de la loi, il ne pourrait même pas s'approcher du terme d'«aidant naturel».


Mais c'est inacceptable, pour ne le met-elle pas dehors?
Ma grand-mère n'a plus l'énergie pour se battre quotidiennement avec son fils. De toute façon, elle n'en a pas vraiment envie. Selon la rumeur, elle lui aurait déjà demandé et il lui aurait dit que dans ce cas, il ne lui parlerait plus. C'est plutôt difficile pour une mère d'avoir un fils qui refuse de lui parler, donc elle continue. Le problème c'est qu'en continuant de l'aider, elle se fatigue de plus en plus. Mes autres oncles et tantes voient bien la situation et malgré leurs conseils, elle continue à nourrir ce virus. Résultat: En voulant en garder un, elle perd tranquillement les autres qui n'ont plus envie d'aller d'en une maison où se trouve la personne la plus détestée de la famille. Si vous croyez que j'exagère, sachez qu'il n'est venu à aucun Noël depuis plus de 10 ans.



Pourquoi l'haït-on à ce point depuis si longtemps?
Disons que c'est ainsi depuis leur jeunesse. Cet oncle ne travaillait pas sur la terre (il est allergique au foin, mais on sait bien qu'il y a plus à faire que les foins sur une ferme). Il ne travaillait pas trop non plus au magasin de la famille (oui, mon grand-père en faisait beaucoup, je vous l'avais dit, il avait aussi une petite station-service/épicerie). Plus tard, il est parti. Il a d'abord été dans la GRC. Son véritable motif je ne le connais pas, mais je sais que son frère (mon autre oncle) venait de rejoindre les rangs de la Sureté du Québec. C'est toujours plus prestigieux un uniforme rouge et un cheval qu'une petite blouse verte et une Chevrolet. Bref, il n'a pas vraiment aidé la famille à l'époque. Plus tard, lorsqu'il voulait devenir pilote, il a demandé plusieurs milliers de dollars à ma grand-mère pour sa licence, puis pour son avion (à titre informatif, un Cessna neuf coûte plus de 100 000$). J'ignore si elle l'a aidé. Le plus frustrant est la situation actuelle malgré tout. Comme j'ai dit, voilà 2 ans qu'il vit chez ma grand-mère. Il ne travaille pas. Il continue à piloter son avion pour faire un tour jusqu'à La Romaine de temps en temps; il va à Québec, s'amuse un peu. Je ne connais pas ses détails financiers, mais je suis persuadé que ses "livraisons" aux Amérindiens de La Romaine ne sont pas imposables. Lorsqu'il est chez ma grand-mère, il va sur Ebay, non pas comme acheteur, mais comme vendeur. Il vend peu à peu tout ce qui se trouve sur la terre, les tracteurs, les chariots à foin, la machinerie, même le bois de la grange qu'il a fait démolir récemment.






Voilà donc deux ans que cette terre se meurt et s'en va progressivement à l'abandon. Ma famille n'est pas la seule dans cette situation. Plusieurs fermes disparaissent. On parle de 800 par année au Québec seulement, soit 2 par jour. Les raisons sont variées. Ma famille vit le problème un problème d'héritage et de générations, mais d'autres vivent des problèmes financiers, de l'isolement, du surmenage et la pression de productivité.

C'est un sujet peu connu, je partage celui de ma famille, car je trouve triste de voir toute cette terre s'en aller progressivement vers un petit quartier résidentiel de gens qui veulent se rapprocher de la nature lorsqu'ils reviennent chez eux le soir. Ils font 30 minutes de route pour aller travailler matin et soir, ils démolissent ce qui autrefois était un milieu fertile et pire encore, ils vont saccager le terrain d'autrui en pensant qu'une ferme est un lieu public. Imaginez si quelqu'un venait faire du ski-doo sur votre terrain, comment vous sentiriez-vous?

Je suis contre les banlieues. L'expansion démographique n'est pas énorme. La population d'une ville peut varier de 10% seulement alors que l'expansion géographique peut varier de 50% facilement. Résultat, on vend les terres à des promoteurs qui vont en faire un quartier résidentiel et le centre-ville se voit abandonné peu à peu. Sherbrooke est un bel exemple de ce type d'erreur. Il suffit de passer au centre-ville pour voir le nombre de bâtisses vides. Pire encore, en allant visiter l'ancienne banlieue de Rock Forest, on peut y voir un ancien complexe, avec un ancien Wal-mart. Aujourd'hui, où est-il? Dans la nouvelle banlieue, là où les arbres sont encore fraîchement coupés. Les autobus pour aller dans cette nouvelle zone commerciale sont rares et il est impensable d'y aller à pied. On s'y rend en voiture, un peu comme pour le quartier Dix30 à Brossard. Les exemples de ce genre sont nombreux, vous en connaissez sûrement tous quelques-uns. J'essaie seulement de vous montrer quels effets nos gestes peuvent causer. Il suffit d'une seule personne, d'un seul oncle pour qu'une terre disparaisse. Vous pensez ne pas avoir de pouvoir? En décidant d'acheter une maison dans un nouveau quartier, vous êtes sûrement aussi responsable que lui.

À voir:
Un reportage sur la détresse de agriculteurs (Radio-Canada - 18 minutes)


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