10 juin 2009

Mon coquelicot

Je ne sais pas trop quoi penser lorsque je vois un militaire parler suite à la mort d'un de ses camarades. Si tous savent les risques qu'ils courent, certains compatissent en criant à l'injustice. En quoi est-ce injuste de mourir? En quoi est-ce anormal? Je n'ai pas de difficulté à imaginer la peine de la famille et des amis de la victime, loin de là. Toutefois, je crois que toute personne peut s'y préparer si elle met de la volonté. Moi-même, sans avoir gardé de liens avec ce monde de Valcartier, de Shilo ou de Trenton, je reste toujours à l'affut de noms ou de visages lors de la mort d'un Canadien. Jusqu'à présent, les gens que je connais ont eu de la chance. J'ai vu un ancien camarade transporter le corps d'un de ses confrères, mais rien de plus.

J'aimerais croire que ces morts servent aux Afghans. Je m'en convaincs à chaque fois d'ailleurs. Suis-je encore idéaliste comme à l'époque? Non. Lorsqu'on découvre à quel point nos projets, nos idées et nos travaux peuvent facilement être abandonnés, détruits ou oubliés, on n'a pas de difficulté à transposer cette réalité dans le monde militaire. Il n'existe pas de chiffres pour nous dire combien de personnes n'ont pas été tuées grâce à la présente d'une force militaire étrangère en Afghanistan tout comme il n'en existe pas pour nous dire combien sont morts pour la même raison. Qu'on le désire ou non, notre présence dérange. Les délateurs, les partisans de la démocratie sortent de l'ombre. Parfois, ils se font tuer pour cela. Parfois, ils tuent dans l'espoir d'amener leur idéal.

Pourquoi sommes-nous vraiment là? Si dans l'armée on vous parle du rôle du Canada en Afghanistan, on n'entend presque pas parler de la coalition avant d'être face à face avec des frères d'armes Britanniques, Américains, Français ou autres. En fait, plusieurs recrues avec qui j'étais pensaient que le Canada dirigeait carrément les opérations dans ce pays. Lorsqu'on voit de telles choses, il n'est pas surprenant par la suite d'entendre un Américain s'étonner d'apprendre que le Canada a participé à la guerre de Corée ou même à la deuxième guerre mondiale. Chaque pays est fier de ce qu'il accomplit et se voit comme un leader. Le partisanisme rapporte énormément en motivation individuelle et collective. Si chacun croit être en mesure de faire un changement, alors on risque fort d'en avoir, du moins si les idées montent jusqu'au chaînon supérieur.

Encore aujourd'hui j'ignore ce qui m'a vraiment poussé à me diriger vers l'armée plus jeune. Était-ce par rébellion et incapacité d'affirmer ma "nerditude"? Était-ce par désespoir et envie de quitter tout ce qui m'entourait? Est-ce plutôt comme mon père le croit encore, c'est-à-dire pour être autonome rapidement et éventuellement pouvoir payer mes études seul? Chose qui est certaine, j'ai toujours envie d'aider d'une façon ou d'une autre. Aussi, je garde ce partisanisme et cet idéalisme d'être le seul en mesure de changer les choses. J'aime me dire que je crée des barrages hydro-électriques. Or, je me charge uniquement des vannes (des portes d'acier). Encore là, je m'occupe du dessin et non pas de la conception ou de la fabrication.

Une chose devrait rester en tête pour tous les soldats malgré tout. Si certains nous accusaient d'être trop pacifiques et mal équipés lors de l'époque de Jean Chrétien, j'ai l'impression que l'armée s'éloigne de son véritable objectif depuis le 6 février 2006. Notre objectif à la base était d'aider les Afghans à instaurer un ordre politique et social. Aujourd'hui, on fait la guerre aux Talibans. Cette poussée de violence incite des gens à rejoindre les rangs des Talibans. En aidant simplement le peuple à être plus puissant, ne pourrions-nous pas simplement attendre qu'ils reprennent le contrôle de leurs villes? On me dira que je ne suis qu'un citoyen, que je ne connais pas la politique ni même le commandement d'une armée. Suis-je forcé de me taire pour ces raisons? Les soudeurs ne connaissent pas les DCL ou les 3 lois de Newton. Pourtant, pour les idées et les procédés, ils en savent plus que bien des gens. Si certaines entreprises comme Toyota sont quotidiennement à l'écoute de leurs employés, pourquoi l'armée garde-t-elle son vieux modèle de hiérarchisation? On le réalise de plus en plus, une simple occupation, une simple guerre ne suffisent plus à régler les conflits. J'ose croire que la psychologie aurait un plus grand impact sur les guerres modernes. En changeant la mentalité d'une nation, on évite le fanatisme et les conflits incessants. Oui, nos soldats mourront toujours. Seulement, pourront-ils mourir en essayant d'aider plutôt qu'en essayant de détruire les partisans d'un idéalisme autre que le leur?


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